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dimanche 16 mai 2010

PARFUM (2)



De l'Iris

Appréciés et recherchés de nos jours pour leurs robes délicates aux couleurs  irisées ces plantes  furent en leur temps cultivés pour leurs qualités médicinales.
C'est ainsi qu'en  Grèce la plante entre dans la composition d'une quarantaine de médicaments,  utilisée contre les morsures de serpents, les piqûres de scorpions, contre les maux d'estomac, les douleurs intestinales,  la toux, ou encore l'hydropisie ...
Des rhizomes secs sont  donnés aux jeunes enfants pour faciliter la dentition. Les rhizomes ainsi séchés sont déjà utilisés pour leur fragrance, soit directement brûlé dans les temples pour en parfumer l'atmosphère, soit pour réaliser des baumes et autres produits de beauté parfumés.
A Rome des rhizomes secs, ainsi que des fleurs fraîches servent à aromatiser le vin, qui ainsi aurait acquis des propriétés dans les pathologies du "souffle", c'est-à-dire les maladies pulmonaires.
Les fleurs entrent dans les nombreuses compositions florales lors des fêtes initiatiques.
La culture en est pratiquée sur tout le pourtour méditerranéen, mais les meilleurs rhizomes viennent d'Istrie et de Macédoine.





Pline l'Ancien raconte comment on doit procéder pour arracher les rhizomes: 

" Le meilleur iris est celui qui, manié, excite l'éternuement. La tige de l'iris est longue d'une coudée, et droite; la fleur est de diverses couleurs, comme l'arc-en-ciel, d'où il a pris son nom.  Ceux qui doivent arracher l'iris répandent pendant tout autour, trois mois à l'avance, de l'eau miellée, comme s'ils voulaient par ce sacrifice apaiser la terre; avec la pointe d'une épée ils tracent autour de l'iris trots cercla, et, dès qu'ils l'ont recueilli, ils le lèvent vers le ciel. "

L'iris est également présent dans la pharmacopée arabe. Avicenne classe les rhizomes parmi les drogues. Ils sont utilisés pour soigner diverses maladies  offrant une similitude avec la Grèce.
Charlemagne en son temps encourage la culture dans tous les monastéres de son empire. 
L'iris figure dans la liste des végétaux du Capitulaire de Villis (ordonnance de Louis le Pieux en 795) composée de plantes qui devaient être cultivées dans les domaines royaux. Le jus de rhizome reconnu pour ses qualités digestives est prescrit contre "les douleurs de la vésicule"; le rhizome est utilisé également , réduit en poudre, pour empeser le linge.

L'iris rejoint les jardins des féodaux. L'origine du nom Iris germanica vient du fait qu'il était cultivé dans de nombreux châteaux en Allemagne et donc fort répandu dans cette contrée. Il est introduit en Germanie au XVIème siècle par des moines venant d'Italie.






Au 18e siècle, il passe pour guérir les scrofules et les maladies de peau.
Au début du XXème siècle, il est encore utilisé en pharmacie comme pois cautère, comme bâtonnet à mâcher donné aux enfants pendant la période de croissance des dents et comme poudre dentifrice. Il servira  à parfumer le vermouth (absinthe), certaines liqueurs (Izarra) et certains vins, notamment en Toscane.
Des fragments de rhizomes sont utilisés pour parfumer les lessives, et des sachets de poudre sont mis dans les armoires pour  parfumer le linge . 
A Saint-Claude, des rhizomes sont évidés pour en faire des portes-cigarettes. En Angleterre, des graines d'Iris foetidissima sont consommées comme succédané de café. Aux Etats-Unis, on tirera du rhizome d'Iris versicolor  de l'iridine (glucoside), substance utilisée comme drogue en homéopathie. Dans les années 40, sous l'occupation, les feuilles se récoltent pour en extraire la vitamine C.

De nos jours l'iris a encore des utilisations en herboristerie: la poudre de rhizome d'Iris florentina sert de shampooing sec ou de dentifrice. Ayant des propriétés expectorantes, elle sert aussi à traiter le rhume de cerveau (décoction de poudre de moins de 5g; au-delà, elle sert de vomitif ou de purgatif). Ses fleurs auraient des propriétés diurétiques. Le suc du rhizome frais d'Iris pseudacorus est utilisé pour le traitement de plaies externes, comme carminatif; cependant à dose élevée, il est très toxique. 





Pour ce qui est du parfum

C'est en Toscane et au Maroc que sont cultivés les  iris pallida et les iris germanica  pour les irones (base de parfumerie) contenues dans le rhizome. Cette huile essentielle à fragrance proche de celle de la violette est utilisée comme fixateur dans les parfums, ou pour aromatiser des préparations alimentaires à flaveur de fruits des bois. Les constituants olfactifs majeurs sont des terpènes dégradés appelés irones.
C'est donc à fleur de terre que cette plante cache ses secrets: les rhizomes,arrachés-non plus à la manière de Pline l'ancien(!) -  finiront, à la fin  par livrer la matière odorante la plus chère au monde.
L'opération débute lorsque, trois  ans  après y avoir été plantée, la plante est manuellement extraite de la caillasse, défaite de ses barbes, décortiquée de son écorce, puis lavée et séchée.  Elle ne dégage encore pas d' odeur.
Ce n'est qu'après trois autres années que l'iris, enfermé dans des sacs de jute jusqu'à complète dessiccation, se soumettra. Six ans au final  pour que se livre la fragrance pénétrante de violette et de linge frais qui le caractérise.
Reste à extirper l'essence. L'irréductible tubercule, dur comme l'os, est écrabouillé sous une meule (c'étaient, jadis, les mêmes que celles utilisées pour l'huile d'olive), réduit à pulvérulence, trempé dans l'eau froide, puis, après macération, distillé jusqu'à l'obtention d'une pâte pleine de cires et d'odeurs dite beurre d'iris. Celle-ci, purifiée au solvant, devient l'essence, qui, elle-même distillée sous vide à 40 degrés, pas plus, produit l'absolue, ultime avatar du genre. L'absolue sent le minéral, l'odeur mate des draps séchant au vent avec, plus prosaïquement, quelque chose de la carotte. Le beurre est moins perceptible mais plus poudré, et il résonne longtemps. Il faut 40 tonnes de rhizomes pour faire 100 grammes d'absolue.
C'est la matière première la plus cher en parfumerie (100.000 euros le kilo!).


 Cette présentation, où j'ai pris connaissance d'informations étonnantes dont je voulais vous faire profiter, sur une plante que j'affectionne particulièrement depuis bien des années, pour vous présenter mon parfum en cette saison.
Suave, il ne tourne pas sur ma peau qui peut provoquer des désastres chimiques suivant les parfums essayés-c'est le cas de  Chanel n°5 dont je  suis une bien piètre  ambassadrice.
Liste des  infos recueillies ici et

4 commentaires:

  1. Très beau billet à la gloire de l'iris ...j'ai beaucoup appris à travers de celui-ci
    Tu vas rires ....mais l'année dernière j'ai planté quelques pieds d'iris et ne me souviens plus du tout de la couleur choisie ..alors tous les matins je descend au jardin des chats pour les " découvrir enfin fleuris " la curiosité faite femme tu connais ... bon...sont un peu paresseux mes iris ...j'attends encore ...mais il me semble qu'ils seront de couleur sombre diable pourquoi ai-je perdu l'étiquette " pièce d'identité " grr ..
    Bonne semaine
    A++Sacha

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  2. Tiens, j'essaierai Hiris la prochaine fois que j'irai dans une parfumerie !

    Moi aussi, il m'arrive de faire "tourner" quelques parfums, que j'aime pourtant beaucoup chez des copines....

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  3. Je ne connaissais rien de tout cela à propos de l'iris, c'est vraiment passionnant.
    Mon parfum est aussi un Hermès, Jardin en Méditerranée, mais je n'ai jamais vu celui-ci que j'essaierai bien aussi

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  4. J'ai adoré votre article passionnant qui m'a appris beaucoup sur l'iris. La cérémonie décrite par Pline l'Ancien m'a particulièrement plu. Les images des fleurs somptueuses de votre jardin, cette publication et votre parfum forment un très bel hommage à l'iris.
    Merci, Martine, pour cette délicatesse.
    Anne

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