Un jour, dans son canot d'écorce géant, il s'en alla pagayer sur les eaux paisibles du monde.
Le canot glissait vers la rive, en direction du soleil levant. Plus le lointain horizon se
rapprochait, plus le froid s'intensifiait. Des vents violents transformaient les eaux en énormes vagues qui déferlaient avec fracas. Autour de lui flottaient de gros blocs de glace qui entravaient sa progression.
Voyant cela, Créateur abandonna son canot et posa le pied sur le sol gelé. Se tournant vers le nord, il n'aperçut qu'une vaste étendue blanche, sans phoques ni ours polaires. Au sud, il vit les grands pins parés d'une cape blanche. Les branches dénudées des chênes et des érables s'étiraient vers le ciel tels d'énormes doigts oscillant au vent. De grandes nappes de glace drapaient les rochers le long des rivières et des ruisseaux, emprisonnant les eaux jadis libres. Les animaux et les oiseaux avaient tous disparu.
Créateur observa les gens. Il vit beaucoup de souffrance. Sans phoques à chasser, la maison de glace des Inuits était froide et les estomacs étaient vides. Les Cris mouraient de faim sans le caribou et la sauvagine.
Usant alors de tous ses pouvoirs magiques, Créateur essaya de réchauffer la Terre, mais en vain. Il eut beau faire, la Terre demeura obstinément blanche et glacée.
Affaibli par ses efforts, Créateur s'assit pour se reposer au sommet d'une haute montagne. Soudain, il fut environné par un vent glacial charriant d'épais tourbillons de neige d'où émergea un énorme géant de glace. Un vieux visage crevassé surgit au-dessus de Créateur. Une voix tonitruante rugit à travers les hurlements du vent.
Affaibli par ses efforts, Créateur s'assit pour se reposer au sommet d'une haute montagne. Soudain, il fut environné par un vent glacial charriant d'épais tourbillons de neige d'où émergea un énorme géant de glace. Un vieux visage crevassé surgit au-dessus de Créateur. Une voix tonitruante rugit à travers les hurlements du vent.
-"Je m'appelle Hiver. Mon pouvoir est si grand que les gens tremblent de peur, que les animaux s'enfuient et que les eaux deviennent aussi dures que le roc. Même tes pouvoirs magiques se figent. Bientôt, la Terre entière m'appartiendra. "
Le géant de glace se mit à rire et disparut en tourbillonnant dans le vent. Le froid mordant avait privé Créateur de ses pouvoirs.
Rassemblant le peu de force qui lui restait, il quitta cette terre de glace et de neige et poursuivit son chemin. Au fur et à mesure que les jours passaient, le climat se réchauffait. De l'herbe tendre amortissait les pas de Créateur occupé à se frayer un chemin sur le rivage. Les bourgeons vert vif des arbres éclataient, redonnant vie à la forêt. Au-dessus de sa tête, des vols de canards et de bernaches, pressés de célébrer le réveil de la Nature, fendaient le ciel en projetant sur la Terre leur ombre en forme de V.
Créateur croisa sur sa route un beau jeune homme. Ce dernier dépassait le faîte des arbres et était entouré d'oiseaux chanteurs qui tournoyaient autour de sa tête. Il tenait dans les bras un plein panier d'arbustes fruitiers qu'il plantait avec soin, un à un, dans les prés.
-" Bonjour Printemps, lui lança Créateur. Je suis venu demander ton aide. "
Créateur raconta alors à Printemps sa rencontre avec Hiver.
-" C'est vrai, admit Printemps. Chaque année, Hiver nous dérobe davantage de temps. Bientôt, il ne me restera plus rien. Je perdrai mon pouvoir et je ne serai plus capable de réveiller les animaux ou de faire revenir le gibier d'eau. Les habitants de la longue maison ne pourront plus faire pousser leur maïs, leurs haricots et leurs courges."
D'un commun accord, Créateur et Printemps décidèrent d'aller chercher de l'aide. Leur périple les mena à travers des forêts luxuriantes où poussait un épais sous-bois et qui abritaient tout un peuple de créatures laborieuses. Les chants aigus des insectes formaient une sérénade qui s'accrochait à l'air chaud et dense. Ils suivirent une longue rivière sinueuse qui se jetait dans un lac profond.
Sur la rive se tenait une belle femme qui avait un pied dans l'eau et l'autre sur une plage sablonneuse. Son épaisse chevelure noire était ornée de fleurs aux couleurs vives. Elle tenait dans les bras un grand pot en argile rempli d'eau et de poissons qu'elle déversait doucement dans le lac.
Sur la rive se tenait une belle femme qui avait un pied dans l'eau et l'autre sur une plage sablonneuse. Son épaisse chevelure noire était ornée de fleurs aux couleurs vives. Elle tenait dans les bras un grand pot en argile rempli d'eau et de poissons qu'elle déversait doucement dans le lac.
Printemps s'adressa à elle en premier.
- " Bonjour Été, nous sommes venus demander ton aide. "
Une fois de plus, Créateur raconta sa rencontre avec Hiver. Attentive, Été l'écoutait lui parler de la Terre gelée, du départ des animaux et de la souffrance des gens.
-" Hiver m'a tellement enlevé de temps, renchérit Printemps, que j'ai peine à faire mon travail. "
-" Sans ton travail, je ne peux pas faire le mien, rétorqua Été. Je vais perdre mon pouvoir. Le bison ne pourra retourner vers les collines onduleuses ou vers les plaines. Les Pieds-Noirs et les Crow n'auront ni nourriture ni peaux pour construire leurs abris. "
-" Sans ton travail, je ne peux pas faire le mien, rétorqua Été. Je vais perdre mon pouvoir. Le bison ne pourra retourner vers les collines onduleuses ou vers les plaines. Les Pieds-Noirs et les Crow n'auront ni nourriture ni peaux pour construire leurs abris. "
-" Ce n'est pas bien ", dit Créateur.
Ils se mirent alors tous trois en route. À mesure qu'ils progressaient, le vert profond des arbres faisait place à un flamboiement de rouges, de jaunes et d'oranges. Des pluies rafraîchissantes chassaient la chaleur. L'air était vif. La sauvagine remplissait le ciel. Dans les terrains boisés, de nombreuses créatures s'affairaient à faire des réserves de nourriture en prévision du long sommeil hivernal.
créateur photo
Les trois voyageurs arrivèrent finalement au pied d'une chaîne de collines ondulées sur lesquelles se dressait un homme élégant vêtu de nombreuses couleurs. À ses pieds se trouvait un énorme pot rempli de peinture de multiples couleurs. Il se déplaçait avec grâce tout en peignant le paysage.
Les trois voyageurs arrivèrent finalement au pied d'une chaîne de collines ondulées sur lesquelles se dressait un homme élégant vêtu de nombreuses couleurs. À ses pieds se trouvait un énorme pot rempli de peinture de multiples couleurs. Il se déplaçait avec grâce tout en peignant le paysage.
-"« Bonjour Automne, lui cria Été. Nous sommes venus demander ton aide. "
Créateur lui parla de sa rencontre avec Hiver.
-« Il nous dérobe trop de temps. Je ne serai bientôt plus capable de faire mon travail », se plaignit Printemps.
-" Et je serai incapable de faire le mien ", d'ajouter Été.
Automne savait que sans le formidable travail accompli par Été, il ne pourrait pas créer les splendides couleurs qu'il utilisait pour peindre la Terre. Il serait impuissant à aider le saumon, la baleine et le flétan dans leur long périple. Les magnifiques forêts mourraient. Les Shuswaps des montagnes ou les Kwagiulth de la côte n'auraient plus rien à chasser, à attraper ou à cueillir.
-" Moi aussi j'ai remarqué qu'Hiver arrive de plus en plus tôt chaque année. Mais que peut-on faire? demanda Automne. Aucun d'entre nous n'est assez fort pour repousser Hiver."
-" Ce n'est pas bien ", dirent en chœur Printemps, Été et Automne.
-" C'est vrai, leur répondit Créateur. Le pouvoir d'Hiver est grand, mais il existe un pouvoir plus grand encore."
-"De quel pouvoir s'agit-il? ", lui demandèrent-ils.
-" Du nôtre, leur répondit Créateur. Si nous réunissons nos forces, nous serons plus puissants. "
-" Ce n'est pas bien ", dirent en chœur Printemps, Été et Automne.
-" C'est vrai, leur répondit Créateur. Le pouvoir d'Hiver est grand, mais il existe un pouvoir plus grand encore."
-"De quel pouvoir s'agit-il? ", lui demandèrent-ils.
-" Du nôtre, leur répondit Créateur. Si nous réunissons nos forces, nous serons plus puissants. "
Créateur guida Printemps, Été et Automne le long du sentier qui menait vers les contrées gelées d'Hiver. À chaque pas, la terre était plus froide. Un manteau de neige recouvrait tout le paysage. Des vents hurlants balayaient des pans de neige fondue qui leur fouettaient le visage. Au beau milieu de ce tournoiement de grêle surgit le géant de glace.
Au beau milieu de ce tournoiement de grêle surgit le géant de glace.
-" Lequel de vous désire me défier? ", cria Hiver à tue-tête.
Créateur pénétra au milieu de cette tornade de pluie verglaçante. Les vents se turent et tout redevint calme. Rassemblant ses forces, il fit appel aux pouvoirs magiques de tous et il devint si immense que son corps finit par remplir tout le ciel.
-" Hiver, dit-il d'une voix forte. Ensemble, nous sommes un. "
Sa voix se répercuta dans tout l'univers. La chape de neige qui recouvrait la terre se mit à fondre en même temps que disparaissait le pouvoir d'Hiver. Le sol où se tenaient Printemps, Été et Automne éclata de vie dans un foisonnement de couleurs. Hiver rétrécit et retrouva la place qu'il devait occuper dans le cycle des saisons.
Créateur promena son regard sur la Terre.
Créateur promena son regard sur la Terre.
-" Cela est bien. "
Et il était heureux.
D'origine mohawk, C.J. Taylor est une artiste et une auteure de littérature enfantine mondialement reconnue. Conteuse et peintre autodidacte, elle a organisé des expositions d'art autochtone partout en Amérique du Nord. Ses œuvres font partie de nombreuses collections privées tant au Canada qu'aux États-Unis. Elle a écrit et illustré neuf livres pour enfants, dont Peace Walker : The Legend of Hiawatha and Tekanawita, son plus récent.
Merci pour cette belle histoire.
RépondreSupprimerCe sont des illustrations inspirées des peintures éphémères de guérison réalisées en sable par des Navajos ? Ca y ressemble beaucoup ... bien que l'origine de l'artiste semble iroquoise (si mohawk).
RépondreSupprimerVos photos de neige sont superbes ! Celle du mobilier de jardin dans votre "découpage" ovale est magique! Ca fait conte de fées !
Bien évidemment... Mais je n'ai pas pu illustrer avec des "dessins" ou peintures, trop réalistes, souvent un peu "romantiques". J'ai passé du temps à chercher mais rien ne m'a inspirée.
RépondreSupprimerJ'ai préféré utiliser ces peintures de sables navajos.
Entourloupe à la rigueur historique des lieux mais en connaissance de cause.
Connaissez-vous les romans de Tony Hillerman?
Beau conte, plein d'espoir.
RépondreSupprimerMerci Martine.
Linda
Bonjour magnifique j'aime beaucoup tes mots et merci pour l'histoire
RépondreSupprimerBonne fin de journée
Non,je ne connais pas Tony Hillerman. J'ai eu le plaisir de participer à l'exposition Hozho en 2002 à la Galerie des Hospices à Limoges avec les commissaires d'expo Sylvie Crossman et Pierre Barou en 2002. Il y avait de magnifiques peintures de sable appartenant à des collectionneurs américains, réalisées par des Navajos qui s'étaient même déplacés à Limoges. Ils ont fait une démonstration de dessin avec des sables de couleur qui était époustoufflante!
RépondreSupprimerUn superbe livre avait été édité à cette occasion si ça vous intêresse ...
http://www.indigene-editions.fr/ficha_coll_art.php?id=40
Un beau conte initiatique,merci Martine pour cette découverte.
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