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jeudi 19 janvier 2012

MEMOIRE




Mars 2008
CNR DE NICE 

  Nous avions invité Gustav LEONHARDT 
pour inaugurer dans notre  conservatoire tout neuf   deux nouveaux clavecins commandés chez le facteur Marc DUCORNET.





J'avais écrit de ma plus belle plume 
une lettre lui demandant s'il acceptait de venir, sans trop d'espoir.
Quelques mots sincères...
Une semaine plus tard, jour pour jour, je recevais une missive manuscrite d'Amsterdam. 
Il acceptait avec simplicité, me fixant une date.
D'autres courriers firent ainsi  le voyage entre nos deux villes. L'administratif est lourd en France, je fis tout pour faire le trait d'union afin que le Maitre  soit reçu au mieux et  vienne dans les meilleures conditions.



Organiser quatre jours de fêtes 
autour des deux instruments  fut pour moi très vivifiant.
Des professeurs, des élèves, étudiants de la région étaient invités à  saluer  le maitre, et à se produire sur la grande scène de l'auditorium tout de bois vêtu; une très belle acoustique, une ambiance bon enfant, des prestations de qualité pour ces jeunes claveciniste et leur professeur très  à l'écoute. Toute la journée du mercredi jusqu'à 16h leur était réservée, elle se clôturerait  avec le concert inaugural du soir.


Il salue les instruments.

J'allais chercher Gustav Leonhardt à son hôtel.

Il n'était pas en forme, ayant attrapé une sorte de pneumonie en Italie, mais il n'en a rien montré durant son concert où tous les  gamins accompagnés de leurs parents dans un silence profond, quasi religieux attentifs, écoutaient.
L'auditorium de 700 places était rempli, un moment intense que l'on ne peut décrire avec de simples  mots, des instants où même si l'on n'est pas croyant on se dit qu'il y a des forces supérieures au dessus de nos têtes; le partage d'un instant de vie, précieux, auréolé d'harmonies parfaites et inoubliables.


Un clavecin de facture italienne

J'ai été très heureuse d'offrir et  de partager ces moments particuliers à mes élèves, mes amis, mes proches, mélomanes,  qui ont su apprécier à leur juste valeur ce programme qui n'était pas facile d'écoute.


Un très beau clavecin copie de facture flamande


Leonhardt avait l'art et la manière de faire sonner, 
par son choix qui n'était dicté que de son envie du moment, des pièces polyphoniques sur cet instrument qu'il maitrisait si bien.
Il avait tenu à répéter durant  3 heures, demandant au facteur de réharmoniser à sa convenance, accordant lui même avec son tempérament du jour.

 
Mon ami Gilles CANTAGREL était de la fête.

Nous l'avions ramené juste après le récital malgré une réception de belle qualité. Fatigué, fiévreux, mais pas autant qu'à son dernier concert aux Bouffes du Nord.

Je ne vous dis pas le lendemain matin, matinale, solitaire dans le grand auditorium ayant retrouvé son calme, avec quelle émotion j'ai posé mes doigts sur les claviers de chaque instrument; ils avaient été en quelque sorte baptisés par les mains du Maitre.

Ces mêmes mains, emmitouflées dans des mitaines, que je serrais en le saluant devant l'aéroport le laissant comme il le désirait, seul, pour retourner à Amsterdam dans sa belle maison d'Herengracht.

Un dernier léger sourire comme il savait vous le donner, la tête légèrement inclinée pour vous saluer avec élégance, si rapide, mais sincère, comme aux Bouffes où ce fut notre ultime échange, douceur qui a effleuré son visage si amaigri. Je garderai en mémoire cet instant si fugace. 
Il n'en faut pas plus...






Paix à Vous
Maître,
entouré d'anges musiciens.




Photos Michel CASTELLANI
non libres de droit


5 commentaires:

  1. Un superbe souvenir : tant de simplicité et une approche si simple. Cela doit être très riche pour toi Martine comme souvenir !

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  2. Très émouvant, je comprends ta tristesse.

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  3. Merci pour cet article très émouvant. Ce Maître a tant apporté, transmis, avec patience et humilité ...

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  4. Tu m'avais raconté cette rencontre, la dernière fois que l'on s'était vus à Nice. Il ne me manquait plus que les photos, qui prennent un relief nouveau dans le contexte actuel! Bon week-end à toi!

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  5. J'ai pensé à toi quand j'ai appris cette triste nouvelle, tu nous en avais si bien parlé et j'avais eu aussi le bonheur de l'écouter à Caen...
    Bon dimanche Martine !

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