L'écrit peut-il soigner la peine en ces moments d'abandon?
Lorsqu'un père vous quitte même si vous savez qu'il ne peut pas y avoir d'autre échappatoire et si dans votre intime conviction vous savez que l'échéance va arriver, au vue de l'état de santé, être au chevet pour quérir le dernier souffle de vie demeure une épreuve inqualifiable.
J'ai parlé à ce père que j'ai connu pendant mes 60 ans de vie, retrouvant cette mémoire du temps passé à ses côtés...
Un père de cette époque, avec l'autorité qu'il imposait de par sa nature, mais aussi cette connivence particulière, si indéfinissable de par la pudeur des sentiments, il est des choses que l'on n'osait pas dire.
Cependant tellement de points communs: la curiosité, le voyage, les rencontres, l'optimisme, la peur de rien, nous donnant cette force unique d'aller toujours de l'avant quoiqu'il arrive .
Bien sûr des décalages dus au changement générationnel, mais pourtant malgré des idées qui pouvaient être divergentes, le respect restait le maitre mot.
Un père qui part à tout jamais vous laisse un grand vide, mais vous offre la liberté et vous transmet la force de suivre votre propre cheminement, n'ayant plus son exemple devant vos pas. A vous de saisir le flambeau qu'il vous a tendu.
Je ne cesse de me dire, malgré cette absence concrète et physique que j'essaie de compenser par ce pull foncé pris sous mon bras pour en garder l'odeur, quelques pinceaux , crayons et tube de peinture vermillon qui l'accompagnaient ces derniers temps pour gommer ses ennuis d'un homme tellement actif durant 82 années, malheureux de cet état de fait alors qu'il avait été si entreprenant, je ne cesse de me dire et de transmettre à mes enfants qu'il fait partie de nous, un petit bout de son être est en nous de par la descendance, il restera toujours un quelque chose dans la morphologie des mains, une expression du visage, un regard bleu...
au "gatto nero" son restaurant préféré
Nous t'avons accompagné mardi, nous t'avons exprimé des choses, chacun à notre manière, tenue la main, embrassé, caressé, même si tu étais déjà en direction d'un ailleurs invisible et si mystérieux.
Le dernier souffle, quelques instants où les machines se figent, ensuite à nous retrouver en famille, soudés dans notre désarrois, moments de pleurs, mais aussi de sourire, nous racontant les choses de la vie que tu avais illustrées, à ta façon, ces deux petites heures avant de te quitter définitivement où, malgré tes couleurs qui t'abandonnaient, cette immobilité qui s’installait inexorablement, tu partageais encore, dans ce silence pour toujours, une partie de nos histoires.
Nous garderons toujours ce sourire et ces railleries qui faisaient de toi un être bien particulier mais si précieux.
Burano,
il aimait siéger là ,
s'imprégnant de la lagune frémissante...
Mon
père, tu es en moi, la mémoire fera le reste, pour accompagner et
soigner ma peine actuelle, afin de retenir ces vannes qui ne cessent
de s'ouvrir et de se fermer, avec le temps.
Continue ce voyage, là-bas, au loin.
Je te retrouverai à Venise au coin d'une calle, devant les Miracoli ou sous le drapé qui t'impressionait tant aux Gesuiti, buvant un spritz que je t'avais fait connaitre, toi si attaché au fragolino;
Ou dans ton pays gardois, qui t'a forgé, là où tu siègeras dorénavant.
Ne fais pas trop de bêtises avec tes nouveaux copains, pas trop de blagues non plus.
Nous pensons à toi.
Nous nous occupons de maman.
Ta fille